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XII

Ô vision d’azur si lointaine et si douce,
De mon premier matin jeune émerveillement,
Ô flot toujours suivi par le flot qui le pousse,
Ô vaste pan du ciel, tombé du firmament,
Qui te mis un beau jour à rouler dans la plaine,
Pèlerin des glaciers, à la suave haleine,
Généreux échanson des prés, à l’urne pleine
D’un divin rafraîchissement.


XIII

Ô fleuve paternel, cher à mon premier âge,
Naïvement j’allais à tes bords ! et voilà
Que sur l’agile nef de ton onde en voyage,
Ton petit compagnon un beau jour s’envola !
Comme un jeune Breton doit son âme à la grève,
Par toi j’appareillai vers les îles du rêve,
Et je connus par toi mon attente sans trêve
D’un mystérieux au-dela !


XIV

Tu fus le premier livre où lurent mes yeux calmes :
Et plus tard quand j’appris catéchisme ou latin,
De te voir, je vis mieux sous de lointaines palmes
Les purs Génésareths au contour incertain,
Les barques de pêcheurs traversant l’Évangile ;
Et ta sereine image en mon cerveau fragile
Souriait, m’expliquant le Mincio dans Virgile,
Et dans la Bible le Jourdain.