Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/145

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Et d’un entier aveu rejetant la douceur,
À mon cœur paternel vous fermez votre cœur.
Puisque le ciel m’a fait Prieur du monastère,
Je puis donc, sans manquer à cette règle austère,
Qui prescrit nuit et jour le silence en ce lieu,
Je puis venir à vous qui revenez à Dieu ;
À vous qui, dans ces murs, depuis un mois à peine,
Cachez mal à mes yeux une secrète peine,
Et sous ce toit, si triste à tout nouveau venu,
Traînez comme un fardeau quelque mal inconnu.
Si le Christ aima Jean d’une tendresse sainte,
Je puis bien vous aimer, et vous pouvez sans crainte
Vous confier à moi. Dieu seul saura guérir ;
Mais l’homme peut du moins avec l’homme souffrir.
C’est le père et l’ami qui vous parle à cette heure,
Qui vous aime de vous avoir compris, et pleure
Par la seule raison que vous avez pleuré :
C’est un consolateur, ô cœur désespéré !
Allez ! quelle que soit la blessure profonde,
Qu’en cet asile pur vous apportiez du monde,
Moi qui dans mon passé compte aussi des douleurs,
J’ai pitié de vos maux et respecte vos pleurs.

RAOUL.

Ô mon père ! merci de cette sympathie
Que vous avez pour moi dès l’abord ressentie ;
Merci de cet accueil, si rempli de bonté,
Que j’ai reçu de vous sans l’avoir mérité ;
Moi, l’humble pénitent et le pauvre novice,
Moi sur qui reste encor la souillure du vice