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Comme on bénit un saint, je vous bénis tout bas.

LE PRIEUR, à part, avec doute et tristesse.

Un saint !!!

RAOUL, continuant.

Un saint !!!Mais sur mon mal, ne m’interrogez pas ;
Ne cherchez pas à lire au fond de ce mystère.
Si vous avez souffert, vous savez, ô mon père !
Que tout chagrin profond est un chagrin discret,
Et qu’aux grandes douleurs il faut le grand secret.

LE PRIEUR.

Oui, toute âme qui souffre aime la solitude !…
Mais répandre en un cœur plein de mansuétude,
Et toute sa misère et tout son repentir,
Tout le flot de ses pleurs qui demande à sortir,
C’est peut-être un tourment, mais est-il donc sans charmes ?
Pourtant, si vous avez la pudeur de vos larmes,
Gardez ce lourd secret dont vous êtes chargé ;
Je garderai pour vous, ô cœur trop affligé !
La même affection religieuse et tendre.
Reposez quelque peu. Je viendrai vous reprendre
Quand les cloches, sonnant Matines, nous diront,
Au milieu de la nuit, d’aller courber le front
Devant l’autel du Dieu qui relève et console.
La prière vaut mieux que mon humble parole.
Puissiez-vous jusque-là dormir, puisse la nuit
Apaiser un moment votre éternel ennui !
Dieu vous garde, mon fils !