Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/163

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LE PRIEUR.

C’est-à-dire au bonheur !Non ! mais à la souffrance !
Ah ! d’être heureux toujours vous avez l’assurance,
Et dans la fausse route où demain vous partez
Vous ne pensez cueillir que des félicités.
Comme vous vous trompez ! Dans les coupables voies,
On rencontre toujours, même au milieu des joies,
De terribles chagrins, de mordantes douleurs,
Ainsi que des serpents qui rampent sous les fleurs.
Dieu laisse quelquefois, de sa main vengeresse,
Au jardin d’adultère, où fleurit la caresse,
Tomber ce fruit amer qu’on nomme châtiment,
Et dans la coupe d’or où rit le vin charmant
Des plaisirs, s’amasser l’amertume et la lie.
Croyez-moi, croyez-en, oh ! je vous en supplie,
Celui qui vers la mort s’en ira plus heureux,
S’il peut vous arrêter au bord du gouffre affreux.

RAOUL.

Dieu n’est pas si cruel à l’humaine misère !

LE PRIEUR.

Dieu punit le péché.

RAOUL.

Dieu punit le péché.Mais non l’amour sincère
Et douloureux. Il est le Juge intelligent
Qui, pénétrant tout l’homme est pour l’homme indulgent.

LE PRIEUR.

Aux voluptés de chair qui blessent sa paupière,
Il jette l’anathème.