Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/165

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RAOUL, ébranlé.

Oh ! mon Dieu ! pourquoi donc laisses-tu dans nos âmes
S’allumer et grandir les criminelles flammes ?

LOUISE.

Ou pourquoi nous ravir le pouvoir, ô mon Dieu !
D’échapper à ce crime et d’étouffer ce feu !

Puis d’un ton résolu et désespéré.
Du reste, il est trop tard ; et nos deux destinées

S’en vont à l’inconnu, l’une à l’autre enchaînées ;
Revenir sur nos pas ne nous est plus permis,
Puisque, dans notre cœur, tout le crime est commis ;
Malgré nous, malgré vous, ô vieillard magnanime !
Nous courons à l’amour, nous courons à l’abîme…
Qui peut me retenir, alors que, sans pleurer,
Ou si j’avais des pleurs, du moins sans les montrer,
À l’heure du départ décisif et suprême,
J’ai quitté mon pays, mon foyer…

Plus bas.
J’ai quitté mon pays, mon foyer…mon fils même !
LE PRIEUR, éclatant.

Et quoi ! vous êtes mère, et vous êtes ici !…

Moment de silence.
Vous avez pu laisser votre fils !… vous aussi !
Il réfléchit encore.
Eh bien ! puisqu’il le faut, puisque le solitaire

Doit faire cet aveu qu’il aurait voulu taire,
Écoutez ! comme vous, j’aimai, je fus aimé !