Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/168

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LE PRIEUR, tombant aux genoux de Raoul.

Oui ! donnez-moi ces noms que le cœur vous inspire ;
Et que votre courroux puisse en un jour me dire
Ce que, depuis trente ans, me disent mes remords.
Punissez le coupable et, pour venger les morts,
Accablez le pécheur au front sexagénaire.

Un moment de silence.
Connaissant votre nom, j’aurais pu tout vous taire ;

Mais j’ai voulu tout dire, afin que, quelque jour,
Vous ne méritiez pas de voir, à votre tour,
S’élever contre vous le fils de cette femme,
Afin qu’un premier drame épargne un second drame
Et que vous rejetiez cet amour meurtrissant,
Qui ne laisse après lui que la honte ou le sang.
Ah ! soyez sans pitié pour moi, soyez sévère,
Tant mieux, mais sauvez-vous.

Moment de silence général.
LOUISE, tendant sa main au Prieur toujours agenouillé.

Tant mieux, mais sauvez-vous.Relevez-vous, mon père
Votre passé n’est plus, vos pleurs l’ont expié !
Le Prieur s’est assez et trop humilié !
Il est plus grand que nous celui dont la vieillesse,
S’abaissant noblement devant notre jeunesse,
Veut encourir la honte, afin de nous l’ôter.

S’adressant à Raoul.
Et vous que j’aime tant… mais que je vais quitter,

Soyons forts, et trouvons, évitant toute chute,
Un suprême triomphe en la suprême lutte ;