Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/206

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Et vous ne pleuriez pas, quand lauriers et bruyère,
Quand le sombre Ménale où croissent les pins verts,
Et même le Lycé, sur sa face de pierre,
Quand tout pleurait sur Lui dans l’immense univers.

Pleuraient, pleuraient aussi, brebis aux cœurs fidèles,
(Puisque aussi les brebis ont gémi de tes maux,
Ô poète divin, toi, ne rougis pas d’elles,
Car Adonis lui-même a gardé les troupeaux).

Vinrent aussi pleurants, dans leur marche tardive,
Bergers, bouviers, porchers… et chacun à son tour :
« Cet amour, d’où vient-il ? » Apollon même arrive,
En criant : « Insensé, d’où te vient cet amour ?

« Ta Lycoris ailleurs a porté sa tendresse ;
Et des camps — pour un autre — elle a pris le chemin. »
Arrive encor Sylvain qui va portant sans cesse
Plants de fleurs sur la tête et grands lys dans la main.

Le Dieu Pan vint aussi, celui dont le visage
Est barbouillé d’hyèble à la rouge couleur.
Du plus loin qu’il te vit : « Quand seras-tu plus sage ?
Crois-tu donc que l’Amour exauce ta douleur ?

« Tes pleurs amers, l’Amour avec bonheur les cueille.
Les abeilles jamais n’eurent assez de fleurs ;
Les rives, de gazon, et les chèvres, de feuille…
Et le cruel Amour jamais assez de pleurs. »