Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/83

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Il est temps qu’à leur plainte une voix compatisse ;
Presse les hésitants, presse ton allié ;
Et que dans le traité, cet article : Justice !
Ne soit pas le seul oublié.

Ne dis pas : « Que me fait l’infortune des autres ?
J’eus tort de secourir des peuples asservis.
Dupes sont les sauveurs et naïfs les apôtres ;
M’aiment-ils, ceux que j’ai servis ?

« Je leur donnai mon sang en prodigue, en poète,
Et lorsque mon malheur chercha leur amitié,
Nul ne me répondit dans l’Europe muette :
Je garde à mon tour ma pitié ».

France, en disant cela, tu te mens à toi-même ;
Tu sais que, refusant d’abdiquer ton passé,
Tu reprendras demain ton généreux poème
À la page où tu l’as laissé ;

Tu sais qu’il vaudrait mieux, sous le sort accablée,
Te coucher quelque jour grande et pure au tombeau,
Plutôt que voir ton âme, elle aussi mutilée,
S’en aller lambeau par lambeau ;

Car ton âme est aussi parcelle de patrie,
Intangible et sacrée à l’égal de ton sol ;
Et qui te prend ta gloire et ta chevalerie
Te fait l’irréparable vol.