Page:Trollope - La Pupille.djvu/10

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ami), il ne peut plus rester l’ombre d’un doute ; n’est-ce pas, Charles, tout espoir est perdu ?

— Certainement, monsieur, répondit sir Charles après avoir relu la lettre avec attention ; nous retrouvons ici la date de la mort, celle de la maladie qui l’a enlevé, celle de son enterrement. Ces détails précis ne peuvent nous laisser aucun doute. Vous avez bien fait d’envoyer cet agent, car son rapport tranche définitivement la question.

— Oui, je le crois ; » et remettant tristement la lettre dans sa poche, le vieillard reprit : « Revenons donc à notre conversation. Y a-t-il enfin quelque chance que vous entendiez raison, Charles, et que vous me laissiez vous léguer mon bien ?

— Pas la moindre chance, répondit en riant le jeune homme.

— Vous êtes un méchant obstiné qui agissez très-mal envers moi, reprit M. Thorpe ; vous savez que je vous aime par-dessus tout, et vous ne voulez pas que je vous enrichisse.

— Laissez-moi vous parler un instant à cœur ouvert, mon ami ; vous comprendrez le motif de mon refus, et vous verrez si réellement vos bienfaits me feraient le bien que vous pensez.

« Mon bon père et ma prévoyante mère ont jugé à propos de grever la propriété de Temple si complètement, que je vis avec moins de mille guinées par an. Ma chère mère, que j’aime infiniment malgré ses extravagances, vit à Florence avec un douaire du double de cette somme, et je reçois chaque jour le conseil de vivre moitié en ermite à Temple, moitié en dilettante à Florence. Maintenant, si mes riches voisins disent que je suis un être bizarre et que ma petite fortune est tout ce que je mérite, les pauvres m’aiment et parlent de moi avec respect. Chacun connaît notre affection mutuelle et