Page:Trollope - La Pupille.djvu/9

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— N’est-il pas bizarre, reprit le vieux gentleman en repoussant ses journaux, qu’un vieillard comme moi ne puisse prendre une décision, même de peu d’importance, sans consulter un jeune homme comme vous ? Mais aujourd’hui la chose est plus grave. » Après une pause, il ajouta : « Charles, il n’est pas probable que je vive encore longtemps, et il faut que je pense à prendre mes dernières dispositions ; voilà ce dont je voulais vous parler.

— Vous ne souffrez pas, mon vieil ami ? demanda le jeune baronnet avec sollicitude ; je vous ai rarement vu mieux portant qu’aujourd’hui ; je ne veux pas que vous vous tourmentiez ainsi.

— Je ne me sens pas mal, sans doute ; mais cette lettre, Charles, cette horrible lettre sera cause de ma mort.

— Prenez vos dispositions, monsieur Thorpe, répondit sir Charles ; c’est un devoir qu’aucun homme ne doit négliger, surtout quand il a, comme vous, une propriété qui n’a pas de bornes. Mais, quant à cette lettre, avouez qu’elle ne contenait rien de nouveau pour vous : car, sérieusement, ne croyiez-vous pas votre fils mort avant d’en recevoir cette assurance écrite ?

— Non, Charles, je ne le croyais pas.

— Alors il vaut mieux pour vous savoir la triste vérité que de vivre avec un doute éternel. Quant à moi, dès les premiers détails que vous avez reçus, je n’ai plus gardé le moindre espoir, et je crois qu’à ma place chacun aurait pensé de même.

— Cela se peut en effet ! Pauvre garçon, il n’avait plus que son père qui s’intéressât à lui ! Enfin, je suis satisfait d’avoir songé à envoyer un agent aux Indes afin d’obtenir tous les renseignements nécessaires pour constater sa mort. Hélas ! d’après cette lettre (et en disant ces mots le vieillard remettait une lettre à son jeune