Page:Trollope - La Pupille.djvu/118

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riche ; si je vous supposais cette pensée, j’en serais désolé. Je suis-pauvre, très-pauvre, et ce sera bien plus triste encore quand une autre personne, dont le sort m’est plus cher mille fois que le mien, souffrira de ma misère. »

Florence ne pouvait comprendre que sir Charles fût pauvre, lui le propriétaire d’une des plus belles terres d’Herefordshire, et, en l’entendant parler d’une autre personne devant vivre avec lui, elle crut qu’il faisait allusion à son voyage avec Algernon. Aussi reprit-elle, tout en étant bien persuadée que le baronnet ne regrettait pas l’offre qu’il avait faite à son frère :

« Vous connaissez nos habitudes simples et économiques, sir Charles ; ne croyez pas qu’en voyage Algernon sera difficile à contenter, et je suis sûre que, s’il savait que vous vous préoccupiez ainsi de lui, il préférerait vous laisser partir seul.

— Florence, reprit sir Charles en baisant avec passion sa petite main, je ne pensais pas à Algernon. »

Florence, quoique très-enfant, remarqua l’accent et le regard passionné du jeune homme, et un sentiment nouveau s’empara de son cœur ; elle retira la main qu’il tenait encore, et sembla prête à défaillir.

« Florence, ma douce Florence, vous vous éloignez parce que je vous aime. » Et en disant cela, sir Charles entourait sa taille de ses bras. « Si je ne devais pas partir demain, je ne me serais pas déclaré si brusquement ; mais je ne pouvais vous quitter sans vous dire que, quoiqu’il me soit impossible de me marier avant au moins un an, mon désir le plus cher est de me faire aimer de vous, et d’entendre votre jolie bouche me dire que vous pourrez vivre heureuse avec moi dans ma médiocrité ; car je ne puis vous offrir ni voiture ni un nombreux domestique. Dites un mot, Florence ; répondez, je vous en conjure.