Page:Trollope - La Pupille.djvu/213

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commentaires des voisins d’Hereford et de Cleveland, sans encourir les reproches de sir Charles. Cependant si cette vie vous devient trop pénible, chère femme, nous partirons dès que vous le désirerez.

— Je ne m’inquiète nullement de toutes ces méchancetés sans fin, mon cher major ; vraiment elle me faisait bien plus de chagrin quand elle était pauvre, et que malgré tous mes efforts je ne parvenais pas à l’égayer. Alors je souffrais à l’idée que sa tristesse venait de sa misère et de l’incertitude de l’avenir ; mais maintenant qu’elle a tout ce qu’elle peut désirer, tant pis pour elle si son caractère est resté acariâtre et méchant, cela ne me fait plus ni peine, ni tourment. Quant à moi, j’ai bien des causes de joie : d’abord cette bonne mistress Barnes a grand soin des enfants, qu’elle comble d’attentions à l’insu de Sophie Martin ; vous qui aimez la chasse aux papillons et la pêche, vous trouvez ici une occupation agréable et de votre goût ; et enfin notre belle Florence sera aussi heureuse qu’elle le mérite avec ce charmant sir Charles qui l’aime tendrement, et à qui elle le rend bien, sans compter que les nouvelles que nous recevons d’Algernon sont fort satisfaisantes, et qu’il est aussi heureux que possible dans son magnifique voyage. Avouez, cher ami, qu’il faudrait être bien difficile à contenter pour se plaindre, quand on a toutes ces raisons d’être heureuse, parce que la pauvre Sophie se conduit mal envers nous et nous fait payer, par ces quelques mois de séjour forcé chez elle, tout le bonheur du reste de notre vie. »

Cette conversation décida le major et sa femme à patienter jusqu’aux vingt et un ans de Sophie, et à continuer leur métier de prisonniers un peu élargis, sans s’en plaindre à personne. Cependant miss Martin Thorpe s’était trompée dans ses espérances ; les familles riches des environs, avec lesquelles M. Thorpe avait