Page:Trollope - La Pupille.djvu/229

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— Je suppose qu’elle est chez elle, dans son salon particulier.

— Son salon particulier ! chez elle ! répéta Algernon en riant. Mais vous ne vivez donc pas tous ensemble ? Quel bonheur ! reprit-il en voyant les deux dames faire un signe négatif.

— Mais il faut qu’elle sache que vous êtes de retour, dit alors le major, car elle aurait réellement une raison d’être mécontente, si nous ne la prévenions pas. »

Puis, sonnant Jem, il le chargea d’aller avertir sa maîtresse de l’arrivée des voyageurs.

« Algernon, je vous reconnais à peine, » reprit l’excellent père en admirant le jeune homme avec une telle expression de joie orgueilleuse, que sir Charles lui répondit aussitôt :

« Vous pensez alors que j’ai pris soin de lui, cher major ?

— Soin, mon cher ami ? c’est-à-dire que je ne sais pas ce que vous lui avez fait. Voyons, Poppsy, êtes-vous bien sûre que ce soit là ce petit être maladif qui vous a donné tant de peine depuis trois ans ?

— Vraiment, major, si ce n’était qu’il a toujours ses yeux, ses dents, ses cheveux et son sourire, qui sont trop beaux pour se retrouver réunis chez un autre mortel, je ne le reconnaîtrais certes pas. Je voudrais savoir si miss Martin Thorpe trouvera quelques chances de vie en lui à présent.

— Elle le peut sans crainte, puisque l’oncle Thorpe est mort, et que toute la fortune lui est restée, reprit Algernon. Il serait vraiment injuste que je ne vécusse pas comme deux hommes, puisque j’ai eu deux fois plus de soins que tout autre. D’abord j’ai eu deux mères, continua le jeune homme en baisant la main de mistress Heathcote, et, si sir Charles ne paraissait pas si ridiculement jeune, je pourrais dire que bien souvent je me