Page:Trollope - La Pupille.djvu/270

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— Alors, la nuit est à nous, et il faut en profiter, mon adorée, reprit vivement Richard ; vous le savez, Sophie, pour une mineure il n’y a pas d’autre moyen d’échapper à la tyrannie de ses tuteurs que de fuir loin d’eux.

— Hélas ! je le crains, répondit Sophie en cachant son visage sur le sein de Marguerite.

— Touchante pudeur ! s’écria M. Brandenberry en entourant Sophie de ses bras ; je souffre en vous donnant ce conseil, charmante amie, mais nous n’avons pas le choix des moyens. Appartenez-moi sans plus tarder, ou nous sommes séparés à jamais.

— Si je fais mal en vous cédant, que le crime retombe sur ceux qui me jettent dans vos bras, et non pas sur moi, murmura la victime.

— Il faut nous réfugier vers le pays ami de Gretna-Green, Sophie ; hâtons-nous de nous procurer une chaise de poste. Mais, ô grand Dieu ! reprit le jeune homme en se frappant le front avec désespoir, je n’ai pas assez d’argent pour entreprendre ce voyage, car je n’ai pas été toucher mes rentes chez mon banquier. Comment faire ? Vous ne devez pas avoir d’argent sur vous, céleste amie ? en tous cas vous n’en avez pas suffisamment.

— Je ne sais, répondit Sophie avec innocence ; mais, si nous pouvions arriver à Hereford avant la fermeture de la banque, je réclamerais les cinq cents livres sterling qui me reviennent pour ce trimestre-ci ; cela nous suffirait, je pense, pour aller où vous dites.

— Mais nous n’avons pas de temps à perdre, charmante créature, reprit Richard, ravi de pouvoir toucher immédiatement une somme qui formait à peu près deux ou trois fois la valeur des revenus de sa famille. Charmante créature ! quelle présence d’esprit vous gardez dans le danger ! Vous êtes un ange,