Page:Trollope - La Pupille.djvu/44

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commença mistress Heathcote, mais elle fut interrompue par l’arrivée de M. Thorpe.

— J’espère que je ne vais pas vous gêner, mesdames, dit-il en s’approchant de mistress Heathcote qui s’était levée avec empressement et se tenait debout pour tâcher de dissimuler les pieds de Florence, qui posaient toujours sur le canapé.

Mais la bonne nature de cette excellente dame reprenant le dessus immédiatement :

« Veuillez me pardonner, monsieur, dit-elle franchement ; mais ma fille étant brisée par la fatigue, j’ai posé ses pauvres petits pieds sur votre superbe meuble, exactement comme s’il avait été en toile ou en percaline. Je sais que c’est fort inconvenant ; mais elle est si jeune qu’il lui est impossible de supporter une telle journée de fatigue. »

Pendant ce petit discours, Florence s’était réveillée, et se voyant dans cette attitude et l’objet de cette petite scène, elle rougit tout à coup et parut à M. Thorpe la plus belle des belles ; mais je dois dire que le sans-façon de l’excellente mistress Heathcote lui gagna le cœur du vieillard, qui, s’il avait pu faire sortir sa fortune de la famille, la lui aurait donnée tout entière en ce moment.

Pauvre mistress Heathcote ! Quels regrets elle aurait éprouvés si elle avait pu savoir combien sa touchante sollicitude pour les enfants de son mari intéressait M. Thorpe plus encore que Florence et Algernon ?

Mais pendant ce temps Sophie Martin, qui causait avec les trois miss Wilkyns, se faufila hors du groupe qu’elles formaient et vint tout doucement se placer près de sa grosse tante ; elle s’y installa sans bruit, pour faire croire qu’elle y était depuis longtemps.

« Grand Dieu ! quel vilain oncle je suis ! s’écria tout à coup M. Thorpe en apercevant Sophie qui le re-