Page:Trollope - La Pupille.djvu/45

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gardait avec un mélange de tendresse et de respect ; c’est votre faute, mistress Heathcote : car pour un moment je n’ai vu que vous et votre jolie Florence, tandis que j’ai là toutes mes nièces, et que cette gentille petite Sophie est près de moi à me regarder avec ses grands yeux étonnés. »

En parlant ainsi, M. Thorpe prit les deux mains de Sophie, l’attira vers lui et déposa un baiser paternel sur son front.

C’était le premier baiser que M. Thorpe eût donné à l’une de ses nièces, et tout le monde s’attendait à le voir caresser aussi les autres jeunes filles ; mais il n’en fit rien. Sophie parut d’abord interdite, puis se précipitant à genoux, elle prit les mains du vieillard, les porta à ses lèvres et les baisa avec passion. Puis, comme honteuse de ce qu’elle avait fait, elle murmura tout bas et de manière à ce que M. Thorpe pût seul l’entendre :

« Pardonnez-moi ; mais je suis orpheline et mon cœur a besoin d’affection.

— Pauvre enfant, seule au monde, sans fortune pour se marier ! » pensa M. Thorpe, en passant ses doigts dans les boucles de la jeune fille aussi tendrement que si elles avaient encadré un visage ravissant.

En ce moment mistress Heathcote sentit quelque chose qui lui chatouillait le cou, et elle entendit la voix d’Algernon qui lui disait à l’oreille : « Mère, qui pensez-vous qui hérite de Thorpe-Combe ? » Après avoir laissé tomber ces mots, le jeune homme se blottit derrière sa belle-mère et se remit à observer.