Page:Trollope - La Pupille.djvu/87

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timide et modeste de miss Martin ; aussi insistait-il pour qu’elle chantât, quand, sur un mot de sir Charles, il reprit en parlant à Florence :

« Mais, Florence, ne m’aviez-vous pas dit que vous ne chantiez pas plus que Sophie ? et j’apprends le contraire ! Que signifie cela ?

— Oh ! mon oncle, je ne chante pas assez bien pour oser le faire ainsi devant tant de monde ; mais, si vous me l’ordonnez, j’essayerai.

— Eh bien ! je vous l’ordonne, charmante Florence ; miss Wilkyns voudra bien vous accompagner.

— Certes, reprit la fière Elfreda en se dégantant ; que dois-je jouer, miss Heathcote ?

— Ce que vous voudrez, » répondit Florence, qui n’imaginait pas que l’on pût l’accompagner, et ne croyait qu’une chose, c’est que miss Elfreda allait la remplacer, ce qui lui plaisait infiniment.

Après lui avoir lancé un regard de défi, miss Wilkyns posa une romance de Catamari sur le pupitre, et commença le prélude. Florence ne la regardait même pas et s’était éloignée du piano ; mais quand arriva l’air que devait chanter Florence, et qu’elle manqua, la fière Galloise se retourna vivement et s’écria avec fureur :

« Ma parole, vous me traitez bien cavalièrement, miss Heathcote. Sachez que je n’accompagne jamais que mes sœurs, et que grande était ma complaisance de le faire pour vous. Si vous ne saviez pas ce chant, vous deviez le dire à l’avance et ne pas me laisser préluder. Je voudrais savoir ce que vous êtes pour traiter ainsi une Wilkyns ? »

Miss Wilkyns était furieuse et Florence abasourdie ; ce fut la bonne Mme Heathcote qui répondit en souriant avec son charme habituel :

« Florence ne vous a pas comprise, miss Wilkyns ; elle ne sait pas ce que c’est que d’être accompagnée, elle