Page:Trollope - La Pupille.djvu/89

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ronnet est parti, nous sommes complètement abandonnées, les demoiselles Wilkyns sont là-bas avec les messieurs Spencer, Sophie est au whist avec ces trois messieurs : nous, que pouvons-nous faire ?

— Quoi ! maman, vous ne savez que faire ? Regardez donc comme Sophie a une drôle de manière de jouer aux cartes, murmura Algernon, qui ne quittait pas des yeux la table de whist.

— Nous ne voyons pas son jeu d’ici, Algernon.

— Moi, je le vois, son vrai jeu, » répéta le jeune homme.

En ce moment-là, Sophie regardait son oncle avec un air si doux et si respectueux que M. Thorpe murmurait :

« Pauvre enfant ! elle n’est aimée de personne, je dois lui faire oublier ses chagrins.

— Je suis sûre qu’elle a bien peur en ce moment, s’écria Mme Heathcote.

— Sans doute, répondit Algernon ; elle sait très-bien ce qu’elle fait.

— Ah ! Algernon, je regrette vivement qu’elle ait trouvé si peu d’affection dans notre famille : elle est obligée de chercher de la tendresse au dehors ; il n’est même pas bien à nous de ne pas l’aimer. Pauvre orpheline, sa position est bien triste !

— Oui, vous êtes une horrible marâtre pour tous ceux qui vous entourent, répondit Algernon avec un sérieux comique. Fi, fi, fi !

— Allez vous coucher, Algernon, reprit la belle-mère en s’efforçant de ne pas rire, et surtout évitez de faire ces remarques devant d’autres que votre sœur et moi.

— Oui, mère, je garderai pour vous deux, et pour un autre, murmura-t-il plus bas, mes sagaces réflexions ; mais vous verrez qu’il faudra que miss Sophie revienne ici, car Combe lui appartiendra. »

La soirée de Noël passa ainsi. Sir Charles revint sou-