Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/180

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existence ; » ici M. Apjohn s’arrêta ; il avait repris cette voix sévère qui frappait si désagréablement les oreilles du cousin Henry, « ou bien que vous l’avez détruit.

— Quel droit a-t-il de dire que je l’ai détruit ? Je n’ai rien détruit. »

La façon dont le cousin Henry appuya sur le mot détruire fit revivre chez M. Apjohn sa croyance à la culpabilité de son client. « Il s’efforcera de démontrer au jury, soit par les paroles qu’il tirera de vous, soit par votre silence, que vous avez détruit l’acte, ou que vous l’avez caché. »

Le cousin Henry se demanda un moment s’il avait caché ou non le testament. Non ! ce n’était pas lui qui l’avait mis dans le livre. L’homme qui cache une chose est celui qui la dérobe aux yeux, et non celui qui ne dit pas qu’il l’a trouvée.

— Ou caché, » répéta M. Apjohn de sa voix la plus dure.

— Je ne l’ai pas caché, dit la victime.

— Ni eu connaissance de l’endroit où il était caché ? Le malheureux devint, par degrés, livide, pâle comme un mort, presque bleu. Quoiqu’il fût absolument décidé à livrer le testament, il ne pouvait céder à la pression qu’on exerçait sur lui en ce moment. Il ne pouvait non plus y résister. Cette question le mettait à la torture, bien qu’il eût fait le sacrifice de la propriété. Reconnaître qu’il avait su de tout temps où se trouvait caché le testament, c’était avouer sa culpabilité et se livrer lui-même à ses bourreaux.

« Ni eu connaissance de l’endroit où il était caché ? » répéta M. Apjohn à voix basse. « Sortez, Ricketts, dit-il. Ni eu connaissance de l’endroit où il était caché ? » demanda-t-il pour la troisième fois, quand le clerc eut fermé la porte derrière lui.