Aller au contenu

Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle vit que le cousin Henry n’avait pas touché au déjeuner, elle s’attendrit un peu. Le moyen d’attendrir une Mrs. Griffith, c’est de ne pas manger. « Eh quoi ! M. Jones, vous n’avez pas mangé une bouchée ! Voulez-vous que je vous fasse une rôtie ? » Il accepta la rôtie, et la mangea avec plus d’appétit qu’il n’en avait jamais eu depuis la mort de son oncle. Peu à peu, il en vint à sentir que son cœur était soulagé d’un grand poids. Le testament n’était plus caché dans le livre. Il n’avait rien fait dont il ne pût se repentir. Il n’avait plus la perspective d’une vie à jamais flétrie par une grande faute et, s’il ne pouvait être propriétaire de Llanfeare, il ne serait pas un criminel, à ses propres yeux du moins. En somme, bien qu’il n’en convînt pas encore avec lui-même, les transactions de la matinée avaient amélioré sa condition.

« Vous ne m’approuvez pas dans tout ce que j’ai fait ce matin ? » dit M. Apjohn, aussitôt que les deux avoués furent remontés en voiture.

— J’admire la justesse de votre coup d’œil.

— Ah ! c’est que j’ai concentré toutes mes pensées dans cette seule affaire. Je l’ai retournée dans mon esprit, jusqu’à ce qu’enfin j’y visse clair. C’est curieux, n’est-ce pas, que je vous aie dit à l’avance tout ce qui arriverait, que j’aie presque désigné le volume ?

— Vous l’avez désigné.

— Oui, le volume de sermons. Votre beau-frère ne lisait que des sermons. Mais vous pensez que je n’aurais pas dû poser ces questions à votre neveu ?

— Je n’aime pas à forcer un homme à s’accuser lui-même, dit M. Brodrick.

— Moi non plus, quand j’ai déjà à l’accuser moi-même. Je veux le laisser partir. Mais il nous fallait bien pour cela connaître exactement et ce qu’il savait et ce qu’il avait fait. Vous dirai-je la pensée qui