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Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/167

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Les dames ayant achevé leurs arrangements, on s’occupa sérieusement de la grande affaire de la journée, et les deux malheureux incompris se retrouvèrent bien vite à leur poste.

— J’aime beaucoup les pique-niques, dit sir Lionel, assis sur le coin de la pierre tumulaire, en tendant son verre à mademoiselle Todd qui lui avait offert d’être son échanson. Je les aime infiniment — en ce qui touche le boire et le manger, s’entend. Il n’y a qu’une chose que je préfère : c’est de dîner sous un toit, les plats sur une table, et une chaise sous moi.

— Oh ! le vilain ingrat ! après tout ce que j’ai fait pour vous !

— Je parle des pique-niques en général, mademoiselle Todd. Si j’avais toujours une déesse pour me verser mon nectar, je saurais me passer de salle à manger, et je m’estimerais heureux de reposer sur un nuage avec des foudres à ma droite.

— Voyez donc, monsieur Bertram, quel admirable Jupiter ferait votre père.

— Oui ! et que le roi des dieux serait heureux avec une Junon comme vous !

— Ha, ha, ha ! ma foi non. Mon ambition ne va pas au delà du rôle d’Hébé. Monsieur Mac-Gabbery, oserai-je vous demander une tranche de jambon ? Savez-vous que ces tombes font les meilleures tables du monde ? Mais je crains que ce que nous faisons ici ne soit très-inconvenant ! Je regrette tant, monsieur Cruse, qu’il n’y ait pas de pommes de terre ; en revanche, je sais qu’il y a de la salade.