Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/211

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— Je le sais bien. Il aimerait bien mieux que je le donnasse de quoi solder sa note, n’est-ce pas ? Mais comme je ne puis pas faire cela, les choses aimables valent encore mieux que rien. La note de l’oncle George était peu à peu devenue un sujet constant de plaisanteries entre le père et fils. Sir Lionel n’en parlait jamais que de façon à faire rire George le neveu, et celui-ci, qui se reprochait sa gaieté dans les commencements, en avait pris insensiblement l’habitude.

— Je crois que mon oncle ne compte ni sur votre argent, ni sur vos bonnes paroles, dit-il à son père.

— Il n’en sera pas moins charmé de les recevoir. Ne crois donc pas tout ce que chacun te dit de lui-même ! Quand un homme t’assure qu’il déteste la flatterie et que les belles paroles ne lui font rien, que cela ne t’empêche pas de lui débiter toutes les gracieusetés que tu pourras trouver. Il ne sera pas plus fort qu’un autre parce qu’il se vante de sa force.

— Je crois pourtant que vous auriez de la peine à flatter mon oncle.

— Peut-être ; aussi m’y prendrais-je avec beaucoup de précautions. Mais, à ta place, je ne chercherais pas à le flatter, j’essayerais plutôt de la soumission. Il a toujours aimé à faire le tyran.

— Mais moi je n’aime point à faire l’esclave.

— L’esclavage d’un neveu préféré serait probablement assez mitigé.

— Oui ! cela se bornerait à rester perché sept ou huit heures par jour sur un tabouret de commis dans un comptoir.