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Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/422

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avait des caractères faibles qui ne savaient contenir ni l’expression de leur douleur ni celle de leur joie ; mais toutes étaient aussi absorbées et aussi émues que le tigre au moment de bondir sur sa proie.

Jouez, mesdames ; ce n’est pas moi qui vous ferai un reproche de vos petits plaisirs. Je ne pense pas, comme le pieux O’Callaghan, qu’il y ait là péché. À d’autres moments, vous savez être douces, charitables et complaisantes, comme le sont les bonnes vieilles dames de notre pays, ou comme elles devraient l’être. Mais, pourtant, ne serait-il pas bon, chères dames, de ne point oublier les aménités de la vie, — même à la table de whist ?

Au bout d’une heure ou deux, les choses changèrent d’aspect, et mademoiselle Baker et sir Lionel se trouvèrent de nouveau en dehors du jeu et en tête-à-tête. Sir Lionel avait eu l’intention, comme nous l’avons dit, de prendre mademoiselle Todd pour objet de ses soins pendant cette soirée ; mais il avait trouvé que pour l’instant elle jouait un rôle trop public. Elle avait une certaine manière de s’adresser à tous ses amis à la fois, qui produisait, sans nul doute, un excellent effet général, mais qui n’était pas fait pour flatter l’amour-propre d’un admirateur spécial. De sorte que, faute de mieux, sir Lionel s’estima heureux de s’asseoir dans un coin à côté de mademoiselle Baker. Mademoiselle Baker aussi s’en estimait fort heureuse ; seulement elle ne savait comment aborder le sujet de la querelle de Caroline avec son futur.

— Vous avez dû voir George aujourd’hui ? dit-elle.