Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/67

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— Mais maintenant vous y songerez peut-être plus sérieusement.

— Au contraire, j’ai toujours pensé qu’un ministre de campagne doit être marié. Il y a tant de choses qu’il peut faire bien plus facilement avec le concours d’une femme qui partage toutes ses idées.

— Mais vous avez vos sœurs. Mary et Sophia ont toujours été très-actives, et Jane et Fany s’occupent beaucoup de l’école.

— Sans doute ; — et il soupira doucement avant de lui répondre, — sans doute, mais ce n’est pas la même chose, Adela. J’aime tendrement mes sœurs, mais chacun de nous désire de posséder un seul cœur qui soit tout entier à lui.

Était-il venu pour lui dire cela en même temps qu’il lui apprenait que le mariage était une espérance à laquelle il devait renoncer ? Quelle idée avait-il donc d’elle, et pour quelle sorte de femme la prenait-il ? Il y avait dans ces dernières paroles d’Arthur une certaine cruauté dont Adela eut immédiatement la conscience et dont elle n’eût pas été fâchée de montrer son ressentiment. Il avait atteint le but de sa visite, que ne partait-il ? Il s’était fait clairement comprendre, pourquoi restait-il encore ? Ses visites précédentes avaient fait naître de douces espérances qui semblaient à peu près certaines ; il n’avait rien dit de son amour, mais ses manières, ses regards, tout avait fait croire à Adela qu’il l’aimait. Maintenant c’était fini. Pourquoi lui torturer le cœur par des allusions à la tendresse d’autrefois ?