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Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/127

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mais pu savoir au juste l’avantage qu’y trouvait madame Leake elle-même.

C’est une grande corvée que d’avoir à causer avec des gens qui ont besoin de se servir d’un cornet, lorsque ceux-ci sont trop impatients pour s’astreindre à en user d’une façon convenable. Mademoiselle Todd redoutait le cornet de madame Leake ; elle n’avait pas grand’peur de sa méchante langue ; sa voiture et ses chevaux, ainsi que ses relations de château, lui étaient assez indifférents ; mais le monde de Littlebath voyait madame Leake, et mademoiselle Todd, selon le proverbe anglais, voulait « faire à Rome comme font les Romains. »

— Je l’entreprendrai, dit mademoiselle Todd à Adela en achevant la description de madame Leake au moment où la voiture traversait le village de Rissbury, je l’entreprendrai pendant cinq minutes ; puis vous vous en chargerez pendant cinq autres minutes, et alors je recommencerai ; puis nous nous en irons. Adela consentit à cet arrangement avec un certain effroi : sur quel sujet pourrait-elle s’étendre avec madame Leake pendant l’espace de cinq grandes minutes, et cela au moyen d’un cornet !

— Mademoiselle qui ? dit madame Leake, en retirant son cornet de l’oreille afin de dévisager Adela plus à son aise. Oh ! mademoiselle Gaunt… très-bien… J’espère que vous aimez Littlebath, mademoiselle Gaunt.

— Mademoiselle Gaunt-let ! beugla mademoiselle Todd d’une voix qui aurait fait voler en éclats le cornet s’il n’eût été fait du métal le plus solide.