Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/180

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vieilles rouées de cette sorte. Elle savait rire avec elles, leur donner des dîners, leur faire des visites et se laisser gagner son argent, sans se sentir abaissée par le contact. Une telle société ne l’humiliait pas, et pourtant elle n’en faisait pas partie réellement. Elle manquait de raffinement, mais elle n’était ni improbe, ni égoïste, ni vaniteuse, ni irréligieuse, ni fausse.

Telle qu’elle était, et avec le caractère que nous lui connaissons, mademoiselle Todd ne jugea pas nécessaire de montrer de l’indignation quand sir Lionel lui fit sa proposition, mais elle n’en fut pas moins très-fâchée contre lui, pour le compte de mademoiselle Baker. Pourquoi l’avait-il trompée, cette pauvre femme, tout en se rendant ridicule lui-même ? S’il avait eu le moindre discernement, le moindre esprit, n’aurait-il pas compris d’avance quelle sorte de réponse il s’attirerait en offrant ses vœux et ses soupirs place du Paragon ? Il devait bien savoir qu’on ne l’y avait jamais accueilli avec une faveur spéciale, et qu’on n’avait jamais cherché à l’y attirer par aucune séduction. Il n’avait pas été renvoyé quand il s’était présenté : voilà tout. Donc, tout en mettant son chapeau, mademoiselle Todd prit la résolution de punir sir Lionel.

Mais quand elle accusait son prétendant, de manquer de discernement, elle ignorait ses véritables projets. Elle ne se doutait pas des calculs profonds auxquels il se livrait. Si elle avait su la vérité, il est probable qu’elle n’aurait pas agi comme elle le fit. Toujours est-il qu’en montant en voiture, elle dit à son cocher de la conduire avenue de Montpellier.