Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’avait pas pu compter avec quelque certitude sur un succès auprès de mademoiselle Todd, néanmoins il était fort désappointé. De plus, tout en marchant, il commençait à croire que ses propres scrupules pourraient bien faire obstacle à cet autre mariage, à ce pis aller, à cette seconde corde à son arc qu’il tenait en réserve. Lorsqu’il avait formé ses petits projets intérieurs, lorsqu’il avait décidé, à part lui, que, si mademoiselle Todd le repoussait, il s’adresserait incontinent à mademoiselle Baker, l’idée ne lui était pas venue que ses propres sentiments pourraient se révolter contre une telle façon d’agir. La chose n’était pourtant que trop certaine. Il s’apercevait qu’après avoir parlé de sa « chère Sarah, » il aurait plus de peine qu’il ne l’avait pensé à s’adresser tout de suite à sa « chère Mary. »

Il s’alla coucher en se disant, pour se consoler, que ces scrupules absurdes s’évanouiraient avant le lendemain. Mais le matin vint — son matin à lui, vers une heure de l’après-midi — et il se trouva dans les mêmes dispositions. Il lui fut impossible d’aller voir mademoiselle Baker ce jour-là.

Il se sentait mécontent de lui-même. Il s’était cru doué d’une plus grande fermeté de caractère, et maintenant qu’il reconnaissait sa faiblesse, il s’en irritait, comme tous les hommes en présence de leurs défauts. Il se promit d’aller, dès le lendemain, chez mademoiselle Baker, et se coucha de fort bonne heure, en mettant toutes ses hésitations sur le compte d’une mauvaise digestion. Sir Lionel calomniait en cela les plus