Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/189

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solides organes digestifs dont un être humain ait jamais été doué à l’âge de soixante ans.

Le lendemain, vers deux heures, il s’habilla avec soin pour entrer en campagne, avenue de Montpellier ; mais, sa toilette faite, il se trouva de nouveau démoralisé. Le cœur lui manquait. Il avait beau se redire qu’avec mademoiselle Baker il n’y avait pas de doutes à concevoir et qu’elle l’accepterait à coup sûr. Il n’aurait qu’à sourire, et son sourire lui serait rendu. Il n’aurait qu’à dire « chère Mary », et ce regard si doux s’abaisserait vers la terre, et la bataille serait gagnée.

Et pourtant, il ne pouvait pas faire cela. Il se sentait malade, découragé, sans appétit. Il se regarda au miroir, et se trouva, jaune, ridé, ratatiné. Il n’était pas dans son assiette. Mademoiselle Baker devait rester encore trois semaines à Littlebath, et il lui parut décidément meilleur de ne lui soumettre son petit projet qu’au moment de son départ. Il quitterait Littlebath pendant une dizaine de jours, et il reviendrait tout ragaillardi. En conséquence, il partit pour Londres et alla s’installer chez son fils.

Au bout de dix jours, sa répugnance s’était en grande partie effacée. Pourtant le son de ce mot « Sarah » et l’éclat de rire qui l’avait accueilli résonnaient encore à son oreille. C’est une tâche difficile pour un homme de l’âge de sir Lionel que d’affecter le langage des amoureux. Il l’avait essayé et il en avait reconnu la difficulté. Il ne s’exposerait plus à ce même ennui ; il écrirait.

Il écrivit en effet. Sa lettre ne fut pas très-longue. Il