Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/208

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Il est inadmissible que vous continuiez à fuir ainsi le monde. Votre destinée est d’être écrivain ; mais, de nos jours, la destinée des écrivains en fait des législateurs et des hommes d’État. Ils ont une grande position sociale, ils ont la fortune, et ils savent dominer de toute leur hauteur leurs inférieurs en intelligence. Voilà la carrière que nous souhaitons et que nous prévoyons pour vous, et nous espérons tous deux vous y aider de notre amitié.

Harcourt usa de toute son éloquence — éloquence qui, en ce cas, se trouva dangereusement puissante pour détruire son propre bonheur. En vérité, cet homme ne savait pas ce que c’est que l’amour — l’amour tel que le comprenaient si bien ces deux malheureux amants. Il savait que sa femme était pour lui froide — froide comme la glace. Il croyait qu’elle avait, été de même pour Bertram, et que ce dernier avait rompu avec elle à cause de cela. Il admettait que pour lui-même l’amour passionné n’était pas nécessaire. Tout le monde reconnaissait que sa femme était parfaitement belle et gracieuse : donc sir Henry était satisfait. Disons-le cependant, la lune de miel avait été passablement maussade. Plus d’une fois, pendant ce temps d’épreuve, il avait été presque tenté de dire à sa femme qu’il avait payé trop cher le droit de presser sur son cœur une statue de glace. Mais il s’était contenu, et, plus tard, il se persuada qu’il était heureux quand, au milieu du tourbillon de la saison de Londres, il passait ses matinées au Palais et ses soirées au Parlement.