Aller au contenu

Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il ne parla pas beaucoup du passé ; mais le peu qu’il en dit semblait indiquer qu’il croyait n’avoir obtenu la main de Caroline Waddington que parce que Bertram avait dédaigné ce bonheur. Tout grand personnage qu’il était, il s’humilia presque devant le génie de Bertram. Il parla de leur vieux parent à Hadley comme s’ils eussent été l’un et l’autre ses héritiers reconnus, ayant des droits égaux, et il termina en souhaitant que George et lui restassent amis.

— Nos routes sont bien différentes, dit Bertram, que le ton de Harcourt avait un peu touché. La vôtre sera en pleine lumière ; la mienne devra être à l’ombre.

— La plupart des hommes, s’ils sont bons à quelque chose, vivent à l’ombre pendant de certaines périodes de leur vie, dit Harcourt. Moi aussi, j’ai eu mes jours sombres, et j’en aurai sans doute encore d’autres ; mais, ni pour vous ni pour moi, l’éclipse ne peut être de longue durée.

Bertram se dit que Harcourt parlait de choses qu’il ignorait, et il sourit intérieurement en entendant cet homme heureux parler des jours sombres de sa vie. Quand donc les ténèbres avaient-elles envahi son âme ? Nous sommes disposés, tous tant que nous sommes, à croire, dans nos jours de tristesse, que jamais la nuit n’a été aussi épaisse pour les autres que pour nous.

— Je comprends vos sentiments à merveille, continua sir Henry, et j’espère que vous me pardonnerez de vous en parler franchement. Vous avez résolu de ne plus revoir Caroline : mon but est de vous faire renoncer à cette résolution. C’est aussi le désir de Caroline.