Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/210

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Sir Henry parti, une idée dominante s’empara de Bertram : Pourquoi Caroline avait-elle désiré de le revoir ? Dans quel but s’obstinait-elle à vouloir se rencontrer avec lui ? Ne vaudrait-il pas mieux tous deux qu’ils fussent aux extrémités opposées du monde ?

— Au fait, se dit-il, si elle n’éprouve aucun embarras, pourquoi en éprouverais-je ? Si elle a tant de force, j’en aurai aussi. J’irai, et je la reverrai.

Il laissa là son travail, et se perdit dans ses réflexions. Il en voulait à Caroline de ce qu’elle se sentait la force de le revoir. Mais, hélas ! il était en même temps à moitié heureux qu’elle l’eût souhaité. L’idée ne lui vint pas un seul instant qu’il pût jamais à l’avenir la considérer autrement que comme la femme d’un ami dont il ne se souciait que médiocrement. Et pourtant, il éprouvait au fond du cœur un petit mouvement de vanité satisfaite en apprenant qu’elle tenait à le revoir.

Mais elle, comment avait-elle pu exprimer un pareil désir ? Voici comment la chose s’était passée. — Caroline, lui avait dit un jour son mari pendant leur déjeuner, il est ridicule que George et vous, vous continuiez à être brouillés. Je déteste ces absurdités-là.

— Il n’y a pas de brouille entre nous, répliqua-t-elle.

— Il ne devrait pas y en avoir, et je compte l’amener ici.

Le rouge monta légèrement au visage de Caroline, et elle répondit : — Si vous le désirez, sir Henry, et s’il le désire aussi, je ne m’y opposerai pas.