Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/212

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sa leçon. Elle s’était apprise à composer un menu élégant, elle s’était assurée d’un excellent cuisinier, elle tâchait que l’ordonnance du service fût sans défaut ; elle s’efforçait, en un mot, de rendre sa maison brillante. Tout y brillait, en effet, et sir Henry était satisfait, somme toute. Sa femme, il est vrai, ne parlait que peu, mais le peu qu’elle disait avait une grâce et une élégance parfaites. Elle était toujours bien mise, toujours belle, toujours distinguée. Sir Henry n’avait-il donc pas sujet d’être satisfait ? Quant à la conversation, il se chargeait lui-même de ce soin.

Et maintenant qu’on lui disait que George Bertram allait venir chez elle, elle ne s’en montrait pas plus émue que de la visite du baron Brawl. Son indifférence était telle, que sir Henry ne put avoir le moindre prétexte à jalousie. Tout, du reste, semblait lui être indifférent. Rien ne paraissait avoir le pouvoir d’éveiller en elle ni joie ni tristesse. Sir Henry devait être satisfait ; mais, malgré tant de beauté, de grâce et d’élégance, il se demandait parfois avec curiosité si rien au monde ne pourrait donner de la vie et de l’animation à cette statue qu’il nommait sa femme. Il avait pensé — il avait presque espéré — que le nom de celui qu’elle avait autrefois aimé, l’aurait émue ; que l’idée de le revoir l’aurait troublée ; mais non : pour elle, tous les noms se ressemblaient. On lui avait dit d’aller voir madame Stistick, et elle y était allée ; on lui disait de recevoir M. Bertram, et elle était toute prête à le recevoir. En supposant que sir Henry eût pu convier à sa table les anges du ciel et les démons