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Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/215

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au menton carrés, qui avait réussi à élever sept enfants sans le moindre accident. Depuis les succès parlementaires de son mari, elle se laissait promener de dîner en dîner, et elle en jouissait à sa manière. Sa timidité ne l’empêchait pas de manger, et elle ne tenait nullement à causer. Pourvu qu’elle fût mollement assise et qu’elle entendît un bourdonnement de voix, elle se trouvait heureuse et amusée. Elle employait peut-être ces nombreuses heures de loisir à méditer sur les robes de ses enfants et sur le linge de son mari. Toujours est-il qu’elle ne semblait jamais les trouver longues.

M. Stistick, debout, le dos à la cheminée, préparait sa première attaque contre le baron Brawl, lorsqu’on annonça M. Bertram.

— Ah ! Bertram ! je suis charmé de vous voir, dit sir Henry, et d’autant plus charmé, que voilà le dîner. Mon cher juge, vous devez connaître mon ami Bertram, au moins de nom. Et il se fit une sorte de demi-présentation.

— Monsieur Bertram qui a causé, dans le temps, une si grande émotion à Oxford ? dit le baron. Mais Bertram ne le vit ni ne l’entendit. Il n’était maître ni de ses yeux ni de ses oreilles.

En prenant la main que lui tendait son hôte, George jeta un rapide regard autour de lui. Elle était là assise, et il fallait qu’il lui parlât ! La dernière fois qu’ils s’étaient vus, il lui avait parlé, Dieu sait ! assez librement, et le souvenir de tout ce qu’il avait dit alors lui revint soudainement en mémoire. Ce jour-là, avec quel