Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/231

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journée à tâcher de se persuader que Caroline ne l’avait jamais réellement aimé. Il avait douté de son amour lorsqu’elle lui avait dit avec tant de calme que leur mariage devait être remis de plusieurs années ; il en avait encore plus douté lorsqu’il l’avait vue vivre, sinon heureuse, du moins satisfait, malgré ce retard ; et ce doute était presque devenu une certitude lorsqu’il avait appris qu’elle discutait ses mérites avec un homme comme Harcourt : mais tout doute avait disparu le jour où, à Richmond, il avait découvert que les sentiments les plus secrets de son cœur avaient été le sujet des conversations intimes de sa Caroline avec cet étranger. Il était allé la trouver, et la façon dont elle l’avait reçu lui avait prouvé que ses doutes n’étaient que trop fondés, que sa certitude n’était que trop réelle. Alors, il s’était séparé d’elle, comme nous l’avons dit.

Mais voilà qu’il commençait à douter de ses doutes, — à n’être plus aussi certain de sa certitude. Il voyait clairement qu’elle n’aimait guère sir Henry ; il s’apercevait également qu’elle ne pouvait l’écouter, lui, Bertram, un seul instant sans émotion. Adela, aussi, lui avait laissé voir qu’elle le croyait toujours aimé, puisqu’elle considérait sa présence comme dangereuse pour Caroline. Était-il donc possible, — il se le demandait maintenant — qu’aimant cette femme comme il l’avait aimée, que n’ayant jamais faibli un seul instant dans son amour, que lui ayant donné son cœur et son âme, il l’eût repoussée et rejetée loin de lui, alors qu’elle l’aimait toujours ? Se pouvait-il que, toute