Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/24

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— C’est bon ; n’en parlons plus.

— Ainsi soit-il. Mais je suis bien peiné. J’en ai un véritable chagrin. Vous êtes un peu irrité en ce moment, Bertram ; cela se voit de reste. On ne peut vous toucher qu’à rebrousse-poil, et le moindre petit coup porte sur le vif. Cela se comprend, et j’excuse votre irritation. Mais vous savez que nous sommes de vieux amis. Chacun de nous est peut-être le plus ancien ami de l’autre, et ce n’est pas un petit accès de misanthropie qui me fera renoncer à un ami tel que vous. Vous déverserez votre bile dans un pamphlet un peu plus amer encore que le dernier, et puis tout sera dit.

— Tout est déjà dit, je vous remercie. Mais on n’est pas toujours gai, — du moins certains hommes ne savent pas toujours l’être.

— Allons, mon bon ! je vous dis adieu. Je vois qu’il vous tarde d’être débarrassé de moi, et je m’en vais. Mais ne me parlez plus de mes occupations. J’ai de la besogne pas mal, c’est vrai, mais ce n’est pas cela qui nous séparera jamais.

Et là-dessus l’habile homme s’en alla.

Restait la visite à Hadley. Bertram comptait ensuite se rendre à l’étranger et s’installer à Paris dans quelque pauvre logement, au cinquième étage, pour lire les ouvrages des libres penseurs français et étudier les côtés non pratiques de la politique. Il tâcherait d’y apprendre, si c’était possible, au milieu des théâtres français, des mœurs françaises, et de la liberté française d’action, de parole, de pensée, — car la France, en ce temps-là, sous le gouvernement paternel du roi Louis-