Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/249

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vie si elle s’était bravement remise entre les mains de George, sans crainte, et avec pleine confiance. Elle se souvint de l’énergie qu’il avait montrée pendant ces jours heureux où il espérait un mariage prochain. Elle se rappela ses façons si tendres, son dévouement si naturellement chevaleresque, son regard à la fois si doux et si hardi ; et puis elle pensa à son mari.

Elle y pensa longtemps et avec une sorte d’égarement. À mesure qu’elle se plongeait dans cette pensée, l’indifférence avec laquelle elle l’avait regardé jusqu’alors se transformait en haine. Elle frémit en présence du terrible contraste que lui suggérait son imagination entre l’image qu’elle eût tant aimé à contempler, si cela lui eût été permis, et cette autre image qu’elle était condamnée désormais, de par la loi, à avoir toujours devant les yeux. Un désespoir sombre et farouche se peignit sur son visage quand elle songea à ces caresses et à cet amour qui lui semblaient encore plus haïssables que la grossièreté ou la mauvaise humeur. Elle pensa à tout cela, et puis elle se fit cette question qui vient naturellement à la pensée de toute créature malheureuse : N’y a-t-il aucun moyen de salut ? aucune possibilité de s’échapper ? Était-elle perdue tout entière, et à tout jamais ?

Affronter le mariage sans amour ! C’est là une aventure périlleuse pour une femme, pour que dans sa poitrine elle sente battre un cœur vivant ; celles qui n’en ont point — ou qui ne possèdent qu’un simple instrument bon à faire circuler le sang — peuvent trouver de certains avantages à un pareil arrangement. Caro-