Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/251

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des motifs suffisants pour prononcer l’affranchissement partiel de la femme : mais elle savait aussi que ces griefs devaient être prouvés. Quelques paroles emportées, des regards irrités, ou un air bourru, ne suffiraient pas pour la libérer. Elle ne pourrait pas venir dire au monde qu’elle détestait son mari, qu’elle ne l’avait jamais aimé et qu’elle ne l’avait épousé que par dépit, parce que son amoureux — celui que seul elle aimait — l’avait repoussée. Elle n’avait pas de prétexte — pas le moindre — pour demander sa liberté. Elle s’était vendue comme esclave et il lui fallait demeurer en esclavage. Elle s’était donnée à ce monstre au visage d’airain et aux pieds d’argile, et elle devait supporter la froide désolation de son repaire. Séparation ! solitude ! silence ! celui qu’elle aimait pouvait goûter ces tristes bonheurs, mais elle ne devait pas même y aspirer.

Quand sir Henry l’eut quittée, elle remonta dans sa chambre pour cacher sa douleur à tous les yeux et elle y resta renfermée plusieurs heures. — Non ! s’écria-t-elle tout à coup à haute voix, en se soulevant de l’oreiller où elle s’était caché le visage et en se dressant debout au milieu de la chambre ; non, je ne le supporterai pas. Je ne veux plus l’endurer. Il ne peut pas m’y forcer. Et d’un pas rapide, elle parcourut la chambre en tous sens, tendant les bras comme si elle eût appelé quelqu’un au secours, ou comme si elle eût été prête à engager elle-même le combat si personne ne venait à son aide.

En ce moment, on frappa un petit coup à la porte, et sa femme de chambre entra.