Aller au contenu

Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je sais ce que vous voulez dire : Pourquoi ai-je paru si froid ?

— Pourquoi êtes-vous parti ? Pourquoi n’êtes-vous pas venu nous voir ?

— Parce que vous me témoigniez de la méfiance, non pas comme amoureux, mais en ma qualité d’homme. Mais je ne suis pas venu ici pour vous faire des reproches, Caroline.

— Ni pour en recevoir.

— Ni pour en recevoir. À quoi bon récriminer ? Nous connaissons aujourd’hui nos défauts réciproques, si nous les avons ignorés jusqu’ici. Et nous connaissons aussi notre fidélité réciproque… Il s’arrêta un instant, puis il reprit : — Car votre cœur est resté fidèle, Caroline.

Elle s’assit sur une chaise et pleura, en se cachant le visage dans les mains. Il disait vrai : son cœur n’était demeuré que trop fidèle. Que ne pouvait-il en dire autant de son esprit, de ses paroles, de ses actes ! Il s’approcha d’elle, et posa légèrement la main sur son épaule. Il la touchait à peine, et cependant, elle sentit que c’était là de l’amour, — de l’amour illicite et coupable. Il y avait là trahison envers son seigneur et maître. Son maître ? Oui, elle avait un maître, et c’était bien là de la trahison. Mais il lui était doux de sentir cette main se poser sur elle ; il lui sembla qu’un frisson d’amour parcourait tout son corps et l’embrassait tout entière. Trahison envers cet homme, — cette brute à la face d’airain et aux pieds d’argile, qui s’était emparé d’elle dans l’espoir qu’avec son se-