Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/264

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accent et son regard. Je voudrais pouvoir vous dire comment j’ai senti défaillir mon cœur et ma vie s’arrêter, quand j’ai compris qu’il fallait qu’il partît.

Il y eut un moment de silence, puis elle ajouta : — Maintenant, sir Henry, je crois que vous savez tout. Puis-je m’en aller, à présent ?

Il se leva, et se mit à arpenter la chambre d’un pas rapide. Comme nous l’avons dit, il avait un cœur humain dans la poitrine, du sang dans les veines, et tous ces sentiments virils qui rendent intolérable aux hommes le mépris d’une femme jeune et belle. Et puis, cette femme était la sienne ; c’était sa propriété, sa chose, sa femme à lui, enfin. Un instant il perdit de vue les coffres-forts de Hadley, un instant il oublia tous ses embarras d’argent, et l’homme naturel et vrai laissa déborder, sans retenue, toute sa colère.

— Effrontée drôlesse ! s’écria-t-il au moment où il repassait devant elle dans sa promenade furieuse, infâme prostituée !

— Oui, répondit-elle sans élever la voix ; et, tout en parlant, elle s’approcha de lui et l’arrêta par le bras. Elle le regardait toujours au visage, avec des yeux dont il ne pouvait soutenir l’expression. — Oui, monsieur, j’ai été ce que vous dites. Quand je suis venue à vous, quand j’ai vendu mon honneur de femme pour un nom, une maison, une position aux yeux du monde, — quand je vous ai donné ma main sans pouvoir donner mon cœur, — j’ai été… ce que vous dites.

— Et vous l’étiez doublement quand ce matin vous souffriez ses caresses.