Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/278

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— Et vous, ne l’auriez-vous pas haï si vous aviez été enchaînée à lui, comme moi ? Mais maintenant je ne commettrai plus ce péché de haine. Je ne le haïrai plus.

— La haine en pareil cas est un crime, car, malgré tout, il est votre mari.

— Je le nie. Quoi ! quand il m’a appelée de ce nom infâme, il était mon mari ? Était-ce d’un mari, cela ? Il faut que je porte son nom, et jusqu’au tombeau je marcherai péniblement courbée sous ce lourd fardeau : ce sera mon châtiment pour ce jour où j’ai péché en l’épousant. Il faut que j’abandonne tout, espoir de vivre comme vivent les autres femmes. Je ne m’appuierai sur aucun bras, sur aucun cœur ; je n’entendrai aucune parole d’amour quand viendra la maladie ou le chagrin ; je n’aurai point d’enfant pour me consoler. Je serai seule, et pourtant je ne m’appartiendrai pas. C’est là ce que je dois subir parce que j’ai trahi mon propre cœur. Mais pourtant, je vous le dis, cet homme n’est pas mon mari. Écoutez-moi, Adela : plutôt que de retourner avec lui je mettrais fin d’un seul coup à tous les chagrins de ce monde. Ce serait là un crime assurément, mais ce crime me semblerait moins grand que l’autre.

Adela, en l’entendant parler ainsi, n’osait plus lui dire que la vie commune lui semblait encore possible entre sir Henry et elle. Selon Adela, ce parti-là était cependant le seul convenable, le seul bon à prendre. Elle regardait le mariage, qu’il fût heureux ou malheureux, comme un lien indissoluble. Si elle n’avait