Aller au contenu

Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’Angleterre, a-t-on dit, est une nation de boutiquiers ! Non, non, espérons-le ; — pas encore, en tout cas. Il y a eu des nations dont l’unique souci a été la vente et l’achat — des nations perdues, — peuples engourdis, dont l’âme ne s’éveillait point, et chez lesquels la vie ne se révélait que par leurs appétits et leurs organes gastriques. On a vu de ces peuples dans les derniers temps de l’ancienne Rome ; il y en avait aussi dans cette Rome d’Orient que baigne le Bosphore, — peuples riches et prospères, à la large gueule et au ventre ample, auxquels il n’a manqué que le sel qui fait vivre. Mais espérons que nul peuple anglais ne deviendra tel, tant que les chemins seront ouverts de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande.

Un jeune homme qui se destinait à la production de pamphlets politico-religieux pouvait beaucoup apprendre à Paris en ce temps-là. À vrai dire, Paris a toujours été une école pour les écrivains de ce genre, depuis le temps où l’on s’est aperçu pour la première fois qu’il y avait des choses à réformer, voire même sous le règne de la Dubarry. Depuis lors, Paris a toujours été le laboratoire des alchimistes politiques, où l’on a mis au creuset tout ce que les hommes tiennent pour précieux, afin d’en faire un résidu dont on espère tirer le grand arcane : une constitution sous laquelle les hommes qui pensent puissent vivre satisfaits. Le secret n’était pas encore trouvé dans les derniers jours du règne de ce pauvre Louis-Philippe. On avait fait un grand pas, sans doute, quand on avait imaginé une royauté citoyenne et qu’on en avait mis le mécanisme