Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/410

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— Jamais je ne daignerai rien lui demander, dit-elle. Puis il y eut une pause dans la conversation.

— George, reprit Caroline après quelques instants, vous ne me laisserez pas retomber entre ses mains, n’est-ce pas ?

Comment ne pas se rappeler, à ces mots, que c’était lui qui, par son intraitable violence, l’avait d’abord jetée entre ces mains qui aujourd’hui lui paraissaient si redoutables ? Ah ! si seulement ces deux dernières années eussent pu s’évanouir comme un rêve et le laisser libre de la serrer comme sienne sur son cœur ! Mais les fautes du passé ne se changent pas en rêves. Il n’est rien en ce monde matériel de plus solide qu’elles. Jamais elles ne se fondent, jamais elles ne se dissipent en fumée.

— Non, je ne le souffrirai pas, si cela peut s’empêcher, répliqua-t-il.

— Mais, on peut l’empêcher ; on le peut, n’est-ce pas ? Dites que vous savez qu’on le peut. Ne me laissez pas sans espoir. Il n’est pas possible qu’il ait le droit de m’emprisonner ?

— Je sais à peine quels sont ses droits. Mais il est implacable et ne se laissera pas facilement détourner.

— Mais vous ne m’abandonnerez pas ?

— Non ; je ne vous abandonnerai pas, mais…

— Mais quoi ?

— Dans votre intérêt, Caroline, il nous faut tenir compte de ce que pourrait penser le monde. On a associé nos deux noms, mais pas comme ceux de deux cousins.