Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/413

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pour se rappeler seulement que j’ai dû être votre mari.

— Le monde ! Je n’en suis plus à me soucier du monde. Il m’est indifférent maintenant que tout Londres sache ce qui en est. J’ai aimé, et j’ai rejeté l’amour pour me lier à une brute. J’ai aimé, et j’aime encore ; mais mon amour ne peut m’être qu’une souffrance. Je ne crains pas le monde, mais je crains Dieu et ma conscience. Une fois, pendant un instant, George, j’ai cru que je ne craindrais rien. Une fois, un instant, j’aurais consenti à vous suivre ; mais je me suis rappelé ce que vous penseriez de moi si je tombais si bas, et je me suis repentie de ma faiblesse. Que Dieu me préserve d’un pareil péché ! Mais, quant au monde, pourquoi le craindrions-nous, vous et moi ?

— C’est pour vous que je le crains. Il me serait bien douloureux d’entendre mal parler de vous.

— Qu’on dise ce que l’on voudra ! Les malheureux sont toujours écrasés. Qu’on dise ce que l’on voudra ; j’ai tout mérité quand je me suis approchée de l’autel avec cet homme ; quand j’ai empêché mes pieds de courir et ma bouche de s’ouvrir, bien que je sentisse que je le haïssais et que mon cœur se l’avouât. Comment ferai-je, George, pour me laver de ce péché ?

Lorsqu’elle lui avait d’abord demandé de la protéger, elle s’était levée et lui avait saisi le bras, depuis elle s’était tenue debout auprès de la chaise qu’occupait George. Il se leva maintenant à son tour, et lui adressa quelques paroles affectueuses pour la calmer.

— Oui, continua-t-elle, comme si elle ne l’entendait pas, oui, je me suis dit vingt fois pendant cette der-