Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/438

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au public une biographie si exacte du défunt grand homme.

Arrivé à la gare de Londres, il s’élança dans une voiture, et se fit conduire chez lui à Eaton-Square. La maison lui parut triste, froide et abandonnée. La session de Londres n’était pas finie, et le Parlement siégeait encore. Après avoir arpenté pendant une demi-heure sa salle à manger, sir Henry remonta en voiture et se fit mener à la chambre des Communes. Là, il lui sembla que tout le monde connaissait son malheur. On eût dit que le testament de M. Bertram avait été lu dans tous les bureaux de la Chambre. On lui parlait, on le regardait avec froideur, — tout du moins, il se l’imagina. On discutait la question du vote secret, et quelques membres récitaient à cette occasion leurs vieux discours avec une emphase nouvelle. Sir Henry voulut parler, mais le speaker s’obstina à ne pas regarder de son côté. Des membres qui n’avaient jamais semblé que des pygmées à côté de lui parlaient à qui mieux mieux, mais le parlement paraissait ne pas se soucier d’écouter pour l’instant sir Henry Harcourt. Il rentra dans sa maison d’Eaton-Square.

Quand il se retrouva dans la salle à manger, il demanda de l’eau-de-vie, et en avala un verre — un verre, et puis un second. Le monde et la solitude l’accablaient de leur poids réuni, et il ne pouvait leur tenir tête sans secours. Puis il se jeta dans un fauteuil, et se prit à regarder fixement le foyer vide et noir. Le chagrin se décuple par l’isolement. On a dit que peine partagée est diminuée de moitié : celui qui le