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Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/441

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Il marchait toujours, ne songeant pas même aux moyens de lutter contre le courant de la fortune contraire, n’essayant pas de penser, mais se disant seulement qu’il serait urgent de tâcher de penser. Hélas ! l’effort était au-dessus de ses forces !

Alors il rentra chez lui et se rassit encore une fois dans son même fauteuil. En était-il donc arrivé à ce point que le monde ne lui offrît plus aucun espoir ? Vraiment, on ne l’aurait pas dit. Il avait des dettes sans doute ; il était tombé d’une haute position ; il avait perdu le plus beau trésor qu’un homme puisse posséder, — et, non-seulement il l’avait perdu, mais il devait renoncer à l’acquérir de nouveau, car désormais il ne lui était plus-possible de posséder une femme tendre et aimante ; tout cela était vrai, mais il lui restait beaucoup. Il lui restait son talent reconnu comme avocat, sa place parmi les jurisconsultes éminents, sa facilité à gagner de l’argent par sa profession. Il n’avait rien perdu de tout cela, il avait encore sa robe, son arrogance de prétoire, son regard et son front impudents ; — mieux que cela, il avait toujours son siège au Parlement. Pourquoi donc désespérer ?

Pourtant il désespérait ; — comme tous ceux qui n’ont personne vers qui se tourner avec confiance dans leurs peines. Cet homme avait eu de nombreux amis, de bons amis, serviables, parlementaires, brillants, sociables, donneurs et mangeurs de dîners ; des amis fort convenables pour ce qu’il avait voulu en faire. De ces amis-là, il en avait possédé des centaines, mais il n’avait pas songé à s’assurer d’un ou deux cœurs