Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/82

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le passage. Jamais ! elle ne m’a jamais aimé, vous dis-je. Je le sais maintenant. Misérables créatures que nous sommes ! c’est cette pensée-là, je crois, qui me tourmente le plus.

Ils se remirent à marcher. Adela était venue exprès pour lui parler, et maintenant elle avait presque peur. Elle sentait son cœur tout plein, et pourtant elle ne pouvait proférer une parole. Elle était venue pour le consoler et elle n’osait entreprendre sa tâche. Il y avait dans la douleur de Bertram une profondeur — on pourrait presque dire une sublimité — qui réduisait Adela au silence.

— Oh ! Adela, si vous saviez ce que c’est que d’avoir un cœur vide, — ou plutôt un cœur qui n’est pas vide, mais qui souhaite de l’être, afin que vous puissiez le remplir de nouveau. Chère Adela ! et en disant cela, George chercha à lui prendre la main, et, sans savoir pourquoi, elle la laissa prendre. — Chère Adela, n’avez-vous jamais désiré, vous aussi, d’avoir le cœur vide et libre ? Vous avez voulu sonder ma blessure, ne puis-je pas, à mon tour, interroger ?

Elle ne répondit pas. Comment répondre à une pareille question ? Ses yeux baissés vers la terre se remplirent de larmes. Elle ne se sentait pas la force dans ce moment de lui retirer sa main. Elle était venue pour lui parler, pour lui donner du courage, pour le consoler, et voici qu’elle ne trouvait plus un mot à dire. Bertram connaissait-il le secret de son cœur ? Ce secret qui une fois, une seule fois, lui était involontairement échappé, Caroline le lui avait-elle dit ? Avait-