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SUISSE

Au centre de l’Europe, entre l’Alsace, le grand-duché de Bade, le Wurtemberg et la Bavière au nord, l’Autriche à l’est, l’Italie au sud et la France à l’ouest et au sud-ouest, est compris un petit mais vaillant pays, la Suisse, qui doit son nom à l’un des vingt-deux cantons qui la composent. C’est une contrée essentiellement montagneuse, le nœud des grandes chaînes qui parcourent l’Europe, et cette situation a considérablement influé sur son climat, froid sur le Jura et les pentes septentrionales des Alpes, moins rigoureux sur leur revers méridional. Là, sont les terres les plus élevées de l’Europe, aussi, ce qu’il y tombe de pluie et de neige est énorme — Agassiz se rappelle avoir mesuré 17 m. de neige sur certains cols — aussi, ce que les névés, les glaciers, les lacs et les rivières qui y prennent leur source, entraînent d’eau vers la mer est véritablement colossal. Au reste, il n’existe pas en Europe de coin de terre où soit rassemblée plus grande quantité de montagnes gigantesques affectant toutes les formes imaginables, d’une masse plus imposante, où il y ait plus de cascades, de glaciers, de moraines, de torrents impétueux, où se manifestent, en un mot, plus éloquemment toutes les transformations de l’eau et de l’humidité par le froid. Ce sont : le mont Saint-Gothard, haut lui-même de 2,093 m. avec ses lacs nombreux, ses glaciers énormes d’où sortent le Rhône et les trois branches du Rhin. Et cependant, comme nous avons eu l’occasion de le dire ailleurs, ce massif a été creusé, transpercé entre Airolo et Anderrnatt, reliant ainsi les deux vallées du Tessin et de la Reuss, rattachant l’Italie a l’Allemagne, formant une voie de communication d’une importance énorme pour l’écoulement des produits de l’Europe centrale vers l’Italie et ses ports d’embarquement pour l’extrême Orient. Du Saint-Golhard se détachent, au sud-ouest, les Alpes Pennines qui se rattachent à des cimes célèbres, le Simplon et le mont Rose, 4,087 m., dont les glaciers les plus voisins oscillent comme hauteur entre 4,000 et 5,000 m. Dans ce massif, il faut citer le Matterhorn et le groupe du Saint-Bernard séparé du mont Blanc par le col de Ferret. Ce dernier, qui appartient à la France, n’a pas moins de 4,810 ni., et c’est de là que partent toutes ces ramifications des Alpes Françaises de la Savoie, les Alpes Grées qui descendent jusqu’au mont Cenis, les Cottiennes jusqu’au Viso et les Alpes Maritimes qui se rattachent, à la rivière de Gènes, à la chaine italienne des Apennins. Du Saint-Gothard se détache, au-dessus des Alpes Pennines, la chaine connue sous le nom d’Alpes Bernoises, dont les sommets les plus connus sont : la Jungfrau et la Gemini ; entre ces deux chaînes est compris le canton du Valais. Au nord, le Saint-Gothard envoie les contreforts connus sous les noms d’AIpes d’Uri où se trouvent des sommets moins élevés mais non moins célèbres, le Rigi, le Grütli, le Rrunig et Rolhuorn ; à droite de la vallée de la Reuss, ce sont : les Alpes de Glaris avec des sommets qui dépassent 3,500 m. Enfin, à l’est du Saint-Gothard, nous trouvons les Alpes Lépontiennes ou Helvétiques et les Rhétiquea avec les sommets du Rheinwald, du Splugen, de la Bernina, immense massif, rendez-vous favori des touristes, dont les crêtes dépassent 4,000 m. et, enfin, le Rhaelicon, qui sépare les Grisons du Vorarlberg. Quant au Jura, il appartient aussi bien à la France qu’à la Suisse ; s’il n’offre plus aux grimpeurs les émotions de la mer de glace, ses défilés ou cluses, ses cirques ou combes, ses vallées fertiles et ses pentes cultivées ou couvertes de forêts, présentent un spectacle moins terrible et moins grandiose, mais plus gai et plus pittoresque que celui des Alpes. Comme elles il eut jadis ses glaciers, mais par bonheur pour nous, ils ont disparu, et les lacs mêmes qui les avaient remplacés dans les parties les plus profondes sont aujourd’hui taris. Nous disions plus haut que nulle région n’était plus riche que les Alpes en eaux vives ou glacées ; il n’est donc pas étonnant que presque tous les grands fleuves de l’Europe centrale prennent leur source dans cette région ou soient alimentés par des rivières et des cours d’eau qui en descendent. Quatre versants principaux reçoivent ce considérable afflux d’eau. Sur le versant de la Méditerranée, c’est le Rhône qui prend sa source au mont Furka et qui, après avoir reçu les innombrables affluents engendrés par les glaciers de l’Oberland et du mont Rose, finit par tomber dans le lac de Genève, la plus vaste nappe d’eau de l’Europe occidentale, aux rivages égayés par des bourgades riantes et des châteaux pittoresques. A l’Adriatique, les monts Nufenen envoient le Tessin qui, comme le Rhône, juge à propos de traverser un lac, le lac Majeur, qui n’a pas tout à fait la moitié de la superficie du Léman. Vers la mer Noire descend l’Inn qui, né au Septimer, traverse la Valteline et entre dans le Tyrol où nous n’avons pas à le suivre. Enfin, se rend à la mer du nord le Rhin dont les sources alimentées par des centaines de glaciers forment deux rivières, le Hinter et le Vorder Rhein, qui se réunissent à Coire pour tomber un peu plus loin dans le lac de Constance (Bodensee des Allemands) dont les rives appartiennent au Wurtemberg, à la Bavière, à l’Autriche, au duché de Bade et à la Suisse. A la sortie du lac, le Rhin passe par Schallouse, franchit la cataracte de Laufen, passe à Bâle et entre alors en Allemagne. Des nombreux affluents du Rhin, qui prennent leur source dans les Alpes, nous ne retiendrons les noms que de l’Aar grossi du torrent du Giessbach qui forme une des chutes les plus pittoresques de la Suisse, la Reuss qui traverse le lac des Quatre-Cantons, arrose Lucerne et finit à Brugg, et la Linimat qui traverse le lac de Zurich. Quels ont été les premiers habitants de la Suisse, quelles furent leurs mœurs et leur industrie, voilà ce qu’il y a trente-cinq ans seulement, il eût été impossible de dire, voilà ce que nous savons aujourd’hui dans le plus grand détail, grâce aux découvertes multiples accomplies par les archéologues. C’est en 1853, à la suite d’une sécheresse inaccoutumée, que les eaux du lac de Zurich ayant baissé d’une façon insolite, mirent à découvert à Obermeileu quantité de pilotis de chêne et de sapin. On se mu avec empressement à fouiller la vase où ils étaient plantés et l’on y découvrit en quantité les instruments, les armes, les barques dont les Prolo-Helvetes se servaient. Des fouilles analogues ont été faites dans tous les autres lacs, on connaît aujourd’hui plus de 200 stations lacustres, dont quelques-unes comprenaient 500 huttes, et l’on estime à 4 00,000 le nombre des individus qui pouvaient se réfugier dans ces villages aquatiques. Soumis par les Romains, qui fondèrent en Suisse quantité de cités, les Helvètes furent impitoyablement foulés par la plupart des tribus barbares qui se jetèrent sur cette partie de l’Europe, Allemands, Burgondes et Ostrogoths. Aussitôt le christianisme introduit, nous voyons la Suisse devenir le lieu d’élection de quantité de religieux qui y fondèrent des monastères nombreux entre lesquels celui de Saint-Gall jeta un éclat tout parliculier. Après Charlemagne, la Suisse fut divisée et subdivisée en une multitude de petits états ecclésiastiques ou séculiers, principautés, abbayes ou villes libres qui passaient leur temps à batailler. Au xm e siècle, nous voyons l’empereur d’Allemagne, Albert Ier, essayer de soumettre à sa tyrannie les trois cantons d’Uri, d’Unterwalden et de Schwvlz, ce qui donne lieu à la légende de Guillaume Tell el du serment des trois Suisses. L’alliance de ces trois cantons est l’embryon de celle qui devait plus tard réunir les 22 cantons par un pacte fédératif ; leur résistance acharnée et victorieuse, à Morgarten. assura leur indépendance et la conservation de leurs privilèges et franchises, si bien que nous voyons au xive siècle Lucerne, Zug, Glaris et Berne, se joindre aux confédérés de Brunnen et chercher auprès d’eux une protection contre la tyrannie de la Maison d’Autriche. Vainqueurs à Sempach et à Nœfels, les Suisses conquirent l’Argovie et la Thurgovie et après une lutte intestine à laquelle prirent part les Impériaux et le dauphin Louis, plus tard Louis XI, l’indépendance des cantons fui solennellement reconnue par l’Autriche. Louis XI avait pu apprécier, à la bataille de Saint-Jacques, la fermeté et la bravoure des Suisses ; depuis cette époque jusqu’à la Révolution, il fut de mode, à la cour de France, d’avoir àsa solde quelques-unes de ces bandes qui venaient, à trois reprises, à Granson, à Morat et à Nancy, de mettre en déroute Ia brillante chevalerie de Charles le Téméraire Comme infanterie, il n’y eut longtemps pas de meilleures troupes que les Suisses, aussi prirent-ils une part très considérable aux luttes qui ensanglantèrent l’Italie au xve el au commencement du xvie siècle. Pendant ce temps, le nombre des cantons confédérés s’éleva de huit à treize par l’adhésion à la ligue de Soleure, Fribourg, Bâle, Schallouse et Appenzell. Trois siècles durant, figure dans la géographie et dans l’histoire, ce petit Etal composé de treize cantons alliés et confédérés. Cependant au xvie siècle la prospérité de cette petite république lut gravement compromise par les luttes de la Réforme dont les apôtres le plus écoutés en Suisse furent Zwingle et Calvin ; il y eut même scission entre les cantons demeurés catholique, et ceux qui avaient adopté les idées nouvelles, le sang coula a plusieurs reprises, mais si la paix fut officiellement rétablie et la confé-