Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/130

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en revue les opinions de cet homme célèbre, et leur donnant la sanction de son nom, dit en propres termes, et à la louange de son ami : « Il pensait qu’un ouvrier qui avait fabriqué une pièce d’étoffe « avait ajouté à la masse des richesses une richesse réelle. »

Quelle est donc l’idée qui dominait Turgot lorsqu’il énonçait en termes précis que la terre seule est productive ? Voulait-il dire que la terre, étant la source de la subsistance de l’homme, la terre doit être considérée comme l’élément indispensable de toute richesse ? Mais cette idée serait par trop élémentaire ; autant vaudrait dire que l’air est la seule richesse, parce que l’homme ne peut vivre sans respirer, etc. Voulait-il dire que la terre produit tous les éléments de la richesse ? Ce serait une autre trivialité, et nous aimerions mieux alors résumer toute la science de la production comme l’a fait Mill, dans un seul mot, le mouvement.

Mais quelle que soit la forme dont Turgot se sert, une grande pensée le préoccupe dans ce Mémoire, comme elle l’a préoccupé toute sa vie. Cette pensée, c’était le dégrèvement de toutes les charges qui pesaient alors sur le malheureux ouvrier. Son but était de reporter sur la propriété foncière tout le fardeau de l’impôt ; il était partisan de l’impôt direct, et réprouvait l’excise, cette invention de Walpole qui a depuis tant prévalu, et qui s’appuie aujourd’hui, sans droits absolument légitimes cependant, sur cette vérité démontrée, que l’industrie manufacturière et commerciale crée de la richesse et doit sa part de production à l’État.

Turgot, tout contrôleur des finances qu’il a été, n’a jamais eu la moindre parcelle d’esprit fiscal. Il n’était pas à la recherche unique de ressources pour le Trésor. Il voulait fonder ces ressources sur la justice, et il croyait par là les préparer plus vastes pour l’avenir.

Dans l’état actuel de la propriété, les idées de Turgot sur l’impôt, déjà si difficiles à réaliser de son temps, sont d’une impossible application. Mais nous devons le proclamer bien haut, il n’y a rien dans les principes de la science économique, dans les principes purs et absolus, qui se révolte à l’idée de faire supporter à la terre tout le fardeau de l’impôt. Il y a plus, c’est que cet unique impôt serait, en le supposant établi, absolument à l’abri de tous les inconvénients qu’on lui suppose, et que l’équité s’en accommoderait sans peine.

Les bases sur lesquelles se fonde l’auteur pour arriver à la dé-