Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/160

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utiles ou agréables pour le moment, ils se sont accoutumés à considérer les échanges du commerce sous un nouveau point de vue. Ils y ont distingué deux personnes, le vendeur et l’acheteur. — Le vendeur était celui qui donnait la denrée pour de l’argent, et l’acheteur celui qui donnait l’argent pour avoir la denrée.

§ L. — L’usage de l’argent a beaucoup facilité la séparation des divers travaux entre les différents membres de la société.

Plus l’argent tenait lieu de tout, plus chacun pouvait, en se livrant uniquement à l’espèce de culture ou d’industrie qu’il avait choisie, se débarrasser de tout soin pour subvenir à ses autres besoins, et ne penser qu’à se procurer le plus d’argent qu’il pourrait par la vente de ses fruits ou de son travail, bien sûr, avec cet argent, d’avoir tout le reste : c’est ainsi que l’usage de l’argent a prodigieusement hâté les progrès de la société.

§ LI. — De la réserve des produits annuels, accumulés pour former des capitaux.

Aussitôt qu’il s’est trouvé des hommes à qui la propriété des terres assurait un revenu annuel plus que suffisant pour satisfaire à tous leurs besoins, il dut se trouver des hommes ou inquiets de l’avenir, ou simplement prudents, qui mirent en réserve une partie de ce qu’ils recueillaient chaque année, soit pour subvenir aux accidents possibles, soit pour augmenter leur aisance. Lorsque les denrées qu’ils recueillaient étaient difficiles à conserver, ils durent chercher à se procurer en échange des objets d’une nature plus durable et auxquels le temps ne ferait pas perdre leur valeur, ou qui pouvaient être employés de façon à procurer des profits qui en répareraient avec avantage le dépérissement.

§ LII. — Richesses mobiliaires. Amas d’argent.

Ce genre de possessions résultantes de l’accumulation des produits annuels non consommés, est connu sous le nom de richesses mobiliaires. Les meubles, la vaisselle, les marchandises emmagasinées, les outils de chaque métier, les bestiaux, appartiennent à ce genre de richesses. Il est évident que l’on s’était fortement appliqué à se procurer le plus qu’on avait pu de ces richesses avant de connaître l’argent ; mais il n’est pas moins sensible que dès qu’il fut connu, dès qu’il fut constaté que c’était le plus inaltérable de tous les objets de commerce et le plus facile à conserver sans embarras, il dut être principalement recherché par quiconque voulut amasser. Ce ne