Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/191

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avances, calculé sur le pied de l’intérêt de l’argent prêté ; et il semble encore que cette conclusion donne atteinte à ce que nous avons dit, que la seule classe des propriétaires avait un revenu proprement dit, un revenu disponible, et que tous les membres des deux autres classes n’avaient que des salaires ou des profits. — Ceci mérite quelque éclaircissement.

Si l’on considère les mille écus que retire chaque année un homme qui a prêté soixante mille francs à un commerçant par rapport à l’usage qu’il en peut faire, nul doute qu’ils ne soient parfaitement disponibles, puisque l’entreprise peut s’en passer.

§ XCV. — L’intérêt de l’argent n’est pas disponible dans ce sens, que l’État puisse, sans inconvénient, s’en approprier une partie dans ses besoins.

Mais il ne suit pas qu’ils soient disponibles dans le sens que l’État puisse s’en approprier impunément une portion pour les besoins publics. Ces mille écus ne sont point une rétribution que la culture ou le commerce rendent gratuitement à celui qui a fait les avances ; c’est le prix et la condition de cette avance, sans laquelle l’entreprise ne pourrait subsister. — Si cette rétribution est diminuée, le capitaliste retirera son argent, et l’entreprise cessera. Cette rétribution doit donc être sacrée et jouir d’une immunité entière, parce qu’elle est le prix d’une avance faite à l’entreprise, sans laquelle l’entreprise ne pourrait subsister. Y toucher, ce serait augmenter le prix des avances de toutes les entreprises, et par conséquent diminuer les entreprises elles-mêmes, c’est-à-dire la culture, l’industrie et le commerce.

Ceci doit faire comprendre ce que nous avons dit, que le capitaliste qui aurait prêté à un propriétaire paraissait appartenir à la classe propriétaire, mais que cette apparence avait quelque chose d’équivoque qui avait besoin d’être démêlé.

En effet, il est exactement vrai que l’intérêt de son argent n’est pas plus disponible, c’est-à-dire n’est pas plus susceptible de retranchement que celui de l’argent prêté aux entrepreneurs de culture et de commerce. Cet intérêt est également le prix de la convention libre, et l’on ne peut pas plus en retrancher sans altérer ou changer le prix du prêt : or, il importe peu à qui le prêt a été fait ; si le prix du prêt change et augmente pour le propriétaire, il changera et augmentera pour le cultivateur, le manufacturier et le commerçant. En un mot, le capitaliste préteur d’argent doit être con-